Communiqué de presse

Un trou noir pris sur le fait en train de former la galaxie qu’il va habiter?

30 novembre 2009

Qui est le premier, les trous noirs super-massifs qui dévorent frénétiquement de la matière ou les énormes galaxies où ils résident ? Un tout nouveau scénario est apparu suite à une récente série de remarquables observations d’un trou noir « sans toit » : les trous noirs pourraient « construire » leur propre galaxie hôte. Ce résultat pourrait être le chainon manquant longtemps recherché pour comprendre pourquoi la masse des trous noirs hébergés par des galaxies contenant plus d’étoiles est plus importante.

« La question de « la poule et de l’œuf », qui de la galaxie ou de son trou noir était là le premier, est un des sujets de l’astrophysique contemporaine les plus débattus » déclare David Elbaz, premier auteur de l’article scientifique présentant ce résultat. «  Notre étude suggère que les trous noirs super-massifs peuvent déclencher la formation d’étoiles, « construisant ainsi leur propre galaxie hôte». Ce lien pourrait aussi permettre d’expliquer pourquoi les galaxies hébergeant les plus grands trous noirs ont plus d’étoiles. »

Pour obtenir une conclusion aussi extraordinaire, l’équipe d’astronomes a mené une importante campagne d’observation sur un curieux objet : le très proche quasar HE0450-2958 (voir le communiqué ESO PR 23/05 sur une précédente étude de cet objet), qui est le seul trou noir pour lequel les astronomes n’ont pas détecté de galaxie hôte [1]. HE0450-2958 est situé à quelques 5 milliards d’années-lumière de la Terre.

Jusqu’à maintenant, les astronomes supposaient que la galaxie hôte de ce quasar était cachée derrière une grande quantité de poussière. Aussi, les astronomes l’ont observé dans l’infrarouge moyen avec un instrument du très grand télescope (le VLT) de l’ESO [2]. A ces longueurs d’onde, les nuages de poussière brillent vivement et sont facilement détectables. « En observant à ces longueurs d’onde nous aurions pu détecter la poussière supposée cacher la galaxie hôte, » déclare Knud Jahnke, le responsable du programme d’observation réalisé au VLT. « Toutefois, nous n’en avons pas trouvé. A la place, nous avons découvert qu’une galaxie, apparemment sans aucun rapport, dans le voisinage immédiat du quasar, produisait des étoiles à un rythme effréné. »

Ces observations nous ont offert un nouveau regard surprenant sur ce système. Alors qu’aucune trace d’étoiles n’apparaît autour du trou noir, sa galaxie voisine est très riche en lumineuses et très jeunes étoiles. Elle forme des étoiles à un taux équivalent à environ 350 soleils par an, cent fois plus que dans les galaxies typiques de l’Univers local.

De précédentes observations avaient montré que cette galaxie se faisait en fait tirer dessus : le quasar est en train de déverser un jet de particules de très haute énergie sur la galaxie, accompagné par un flot de gaz très rapide. L’injection de matière et d’énergie dans la galaxie indique que le quasar lui-même doit provoquer la formation d’étoiles et ainsi créer sa propre galaxie hôte. Dans un tel scénario, les galaxies auraient évolué à partir de nuages de gaz frappés par les jets d’énergie émergeant des quasars.

« Ces deux objets vont fatalement fusionner dans le futur : le quasar se déplace à une vitesse de seulement quelques dizaines de milliers de kilomètres par heure par rapport à la galaxie et ils sont éloignés d’à peine 22 000 années-lumière. » précise David Elbaz. « Bien que le quasar soit encore « nu », il finira par être « vêtu » quant il fusionnera avec sa galaxie riche en étoiles. Il résidera finalement à l’intérieur d’une galaxie comme tous les autres quasars. »

De ce fait, cette équipe a identifié les jets des trous noirs comme des moteurs possibles de la formation des galaxies et pourraient également être le lien longtemps recherché expliquant pourquoi la masse des trous noirs est plus importante dans les galaxies contenant plus d’étoiles [3].

« Un prolongement logique de notre recherche est de trouver des objets similaires dans d’autres systèmes » déclare Knud Jahnke.

Les prochains instruments, comme ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), l’E-ELT (le télescope géant européen) et le télescope spatial NASA / ESA / CSA James Web seront capables de chercher de tels objets, à des distances encore plus lointaines de la Terre, prouvant le lien entre les trous noirs et la formations des galaxies dans les parties les plus lointaines de l’Univers.

Notes

[1] Les trous noirs super-massifs se trouvent au cœur des plus grandes galaxies. Contrairement au trou noir inactif et affamé situé au centre de la Voie Lactée, quelques uns sont dits actifs car ils dévorent d’énormes quantités de matière. Cette activité frénétique génère une importante libération d’énergie sur l’ensemble du spectre électromagnétique. Le cas des quasars, où le cœur brille de manière si puissante qu’il surpasse la luminosité de sa galaxie hôte, est particulièrement spectaculaire.

[2] Cette partie de l’étude est basée sur des observations réalisées dans l’infrarouge moyen avec le puissant instrument VISIR (VLT spectrometer and imager for de mid-infrared) au VLT, combinées avec des données complémentaires dont des spectres obtenus avec l’instrument FORS du VLT, des images prises dans le visible et l’infrarouge avec le télescope spatial ESA NASA Hubble et des observations radios avec le « Australia Telescope National Facility ».

[3] La plupart des galaxies de l’Univers local hébergent un trou noir super-massif avec une masse d’environ 1/700ème de la masse du bulbe stellaire. L’origine de la masse de ce trou noir en relation avec cette masse stellaire est un des sujets les plus débattus de l'astrophysique contemporaine.

Plus d'informations

Cet article est présenté dans un article publié dans la revue Astronomy & Astrophysics: “Quasar induced galaxy formation: a new paradigm?” by Elbaz et al.,et dans l’Astrophysical Journal “The QSO HE0450-2958: Scantily dressed or heavily robed? A normal quasar as part of an unusual ULIRG” by Jahnke et al.

L’équipe est composée de David Elbaz (Service d’Astrophysique, CEA Saclay, France), Knud Jahnke (Max Planck Institute for Astronomy, Heidelberg, Allemagne), Eric Pantin (Service d’Astrophysique, CEA Saclay, France), Damien Le Borgne (Institut d'Astrophysique de Paris - Université Paris 6 et CNRS, France) et Géraldine Letawe (Institut d'Astrophysique et de Géophysique, Université de Liège, Belgique).

L’ESO - l’Observatoire Européen Austral - est la première organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe et l’observatoire astronomique le plus productif au monde. L’ESO est soutenu par 14 pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L’ESO conduit d’ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l’astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d’importantes découvertes scientifiques. L’ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l’organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L’ESO gère trois sites d’observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. A Paranal, l’ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l’observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde. L’ESO est le partenaire européen d’ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L’ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d’un télescope européen géant –
l’E-ELT- qui disposera d’un miroir primaire de 42 mètres de diamètre et observera dans le visible et le proche infrarouge. L’E-ELT sera « l’œil tourné vers le ciel » le plus grand au monde.

Liens

Contacts

David Elbaz
CEA, Saclay
France
Tél: +33 (0)1 69 08 54 39
Courriel: delbaz@cea.fr

Knud Jahnke
Max Planck Institute for Astronomy
Heidelberg Tél: +49 6221 528 398
Courriel: jahnke@mpia-hd.mpg.de

Thierry Botti (contact presse pour la France)
Réseau de diffusion scientifique de l'ESO et Laboratoire d'Astrophysique de Marseille
Marseille, France
Tél: +33 4 95 04 41 06
Courriel: eson-france@eso.org

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Ce texte est une traduction du communiqué de presse de l'ESO eso0946.

A propos du communiqué de presse

Communiqué de presse N°:eso0946fr
Nom:Black hole
Type:Unspecified : Galaxy : Component : Central Black Hole
Facility:Very Large Telescope
Instruments:FORS1, VISIR
Science data:2009ApJ...700.1820J
2009A&A...507.1359E

Images

Black hole zapping a galaxy into existence
Black hole zapping a galaxy into existence
Seulement en anglais
Revisiting the quasar without a home
Revisiting the quasar without a home
Seulement en anglais

Vidéos

How do quasars get dressed?
How do quasars get dressed?
Seulement en anglais